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Séminaire "L’industrialisation de la construction au Québec : un projet inachevé" - Le cas de la préfabrication en bois


 

L’industrialisation de la construction au Québec : un projet inachevé

Le cas de la préfabrication en bois

 


Date : Le 21 février – 9h00 à 13h30

Lieu : Conférence en présentiel 
Salle 1150 de la Faculté de l’aménagement, Université de Montréal


Inscription 


·  Quels sont les freins au développement des systèmes préfabriqués en bois?

·  Comment stimuler et soutenir la préfabrication en bois au Québec?

·  Quels modes de réalisation de projets et configurations contractuelles supportent le mieux la préfabrication en bois?

Résumé

Ce séminaire Interfaces de la Chaire Fayolle-Magil Construction est organisé en collaboration avec le magazine FORMES et le laboratoire INTERFACE BOIS. Ce dernier est un partenariat de recherche et développement financé par le ministère des Ressources naturelles et des Forêts. Il regroupe une dizaine de partenaires du secteur de l’aménagement et de l’industrie de la construction, ainsi que plus de 15 chercheurs et chercheuses de l’Université de Montréal, Polytechnique Montréal et UQAM. 

Ce séminaire propose deux tables rondes en présentiel et un café-réseautage. Cet événement marquera le lancement de la plateforme web et d’une série d’articles sur le sujet. 

Pour le programme détaillé, consultez-le ici

Page principale du séminaire, consultez-le ici


Le contexte

« Une plus grande industrialisation des processus est nécessaire, si, nous, Canadiens, voulons continuer à bénéficier d’une industrie de la construction progressive. Celle-ci, en effet, devra faire face à des demandes croissantes, nées de l’augmentation rapide de la population, du développement urbain et du coût élevé de la construction ».

Ces idées sont aujourd’hui souvent mises de l’avant, sous diverses déclinaisons, en réponse à nos crises actuelles : climatique, écologique, du logement, des sans-abris et de main-d’œuvre. Or il s’agit, en réalité, des propos du ministre canadien de l’Industrie et du Commerce publiés en… 1969 ! [1]

Depuis plus de 55 ans, chercheurs et entrepreneurs soutiennent eux aussi que davantage d’industrialisation contribuerait à améliorer la performance de l’industrie de la construction au pays. Leur argument est souvent justifié. Alors que de 2004 à 2019 la productivité des industries manufacturières a augmenté de plus de 11 % au Canada, celle de la construction a diminué de presque 10 %. Depuis 2014, la productivité de la construction au Québec a été de 13 % plus faible que dans l’Ontario. [2]

Le manque d’innovation est en cause. Selon certains, la préfabrication pourrait réduire jusqu’à 50 % du temps de réalisation des projets [3]. Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, elle diminuerait les besoins de travailleurs sur les chantiers. Des économies seraient aussi à entrevoir, notamment par la réduction des imprévus propres à la construction in situ. Le manque d’innovation est en cause. Selon certains, la préfabrication pourrait réduire jusqu’à 50 % du temps de réalisation des projets [4]. Enfin, la préfabrication réduirait de façon significative les erreurs et les déchets de construction [5].

Or malgré tous ces avantages – tant réitérés depuis 1969 – force est de constater que la préfabrication est toujours une petite niche du secteur du bâtiment au Québec.

Les temps ont aussi changé depuis les propos du ministre canadien. Contrairement aux pionniers de l’industrialisation des années 1960, plusieurs acteurs aujourd’hui (dont l’Association des manufacturiers de bâtiments modulaires du Québec) rêvent de moins en moins à de grandes structures usinées en béton (à l’instar d’Habitat 67). On vise davantage une forme d’industrialisation axée sur l’emploi de matériaux écologiques, tel que le bois, et sur la réutilisation des matériaux dans une logique d’économie circulaire.

Si l’on regarde le cas des systèmes préfabriqués en bois, la technologie semblerait encore à peaufiner. Bien qu’il existe au Québec plusieurs fabricants de panneaux de bois usinés (légèrement industrialisés), ces derniers mobilisent souvent des technologies d’ossature en bois traditionnelle. Certains acteurs souhaiteraient des solutions plus novatrices, faisant appel, entre autres, à des assemblages en bois lamellé (collé, croisé) et à des matériaux biosourcés. Le gouvernement du Québec vise à faciliter cette transition. Il cherche depuis plus de 15 ans à promouvoir l’adoption du bois dans la construction multifamiliale et non résidentielle. L’innovation dans la construction en bois permettrait non seulement de créer (ou consolider) des emplois en région, mais également de réduire les émissions de gaz à effet de serre, tout en favorisant la qualité du cadre bâti [6].

Suivant ces hypothèses, en 2019, Québec lançait le « Programme préfabrication en bois : optimisation et automatisation », offrant un soutien financier aux entreprises novatrices. En 2020, ces incitatifs étaient réaffirmés dans la « Politique d’intégration du bois dans la construction » [7] via l’objectif 6 - Innover, automatiser et optimiser davantage la performance des entreprises, des procédés et des produits et dans le « Plan de mise en œuvre 2021 - 2026 » [8] de cette politique via la mesure 6.2 - Soutenir l’optimisation et l’automatisation des processus d’affaires et de fabrication dans l’industrie de la préfabrication. Tout récemment, à l’automne 2024, la Société d’habitation du Québec lançait un appel à qualification en conception-construction pour 500 logements hautement préfabriqués.

Or les solutions demeurent encore limitées. Force est de constater que plusieurs obstacles à la l’industrialisation en général, et à la préfabrication en bois en particulier, persistent.

D’abord, la technologie. La rigueur de notre climat pose un grand nombre de défis. Les systèmes d’enveloppe, par exemple, exigent une étanchéité et une isolation optimales ainsi qu’une grande résistance aux cycles du gel-dégel. Les matériaux qui composent les différentes couches de l’enveloppe peuvent être installés en usine selon un contrôle de qualité rigoureux. Toutefois, la continuité du plan d’étanchéité est réalisée sur chantier lors de la finition du bâtiment et doit être minutieusement effectuée. Dans le cas de bâtiments de moyenne hauteur en ossature légère, il faut considérer que le séchage du bois induit une compression perpendiculaire qui peut aller jusqu’à 2 mm par étage.

Ensuite, il y a des obstacles au niveau des organisations. Les défenseurs de l’industrialisation reprochent souvent à l’industrie de la construction son inexorable résistance au changement. Par crainte du risque, les acteurs sont en effet plutôt inclinés à travailler avec des matériaux et assemblages aux performances éprouvées. Parfois, la perception de la faible résistance au feu du bois contribue à en freiner l’adoption. Au-delà de cette supposée intolérance au risque, il faut reconnaître que l’innovation est coûteuse, surtout pour les petites et moyennes entreprises qui constituent le gros de l’industrie. Dans un marché exigeant, la filière du bois doit demeurer compétitive face à celles du béton et de l’acier, dont les infrastructures de production sont déjà bien établies et largement amorties. Enfin, des ambiguïtés en matière de responsabilité professionnelle des architectes et ingénieurs se posent lorsqu’il s’agit de systèmes préassemblés [9].

Plusieurs barrières existent également au niveau de l’industrie de la construction elle-même. Au Québec, celle-ci compte un nombre très élevé de corps de métier certifiés. Il s’agit de l’une des industries les plus fragmentées des pays riches, ce qui rend la préfabrication plus difficile. Les modes de réalisation les plus courants, tel que le « Design-Bid-Build », supposent une fragmentation entre les phases de conception et de construction. Ils ne se prêtent donc pas aisément à l’intégration propre au travail en usine. Certains chercheurs considèrent que les modes de réalisation de type « Integrated Project Delivery », « Partenariat Public Privé » ou « Design-Build », encore peu fréquents au Québec, seraient plus adéquats, permettant une meilleure intégration et collaboration tout au long du processus. [3]

L’environnement politique et institutionnel peut aussi poser problème. La réglementation et les codes de construction sont encore frileux en matière de matériaux combustibles et leurs mises à jour ne suivent pas toujours le rythme des innovations. En matière de financement, le manque de compréhension des institutions bancaires quant au moyen de lier les composantes fabriquées hors site au chantier (immeuble en devenir) pour les garanties hypothécaires peut devenir une barrière. À cela s’ajoute la réticence des compagnies d’assurances à soutenir les innovations, refusant parfois d’assurer les chantiers ou encore réclamant des primes plus élevées aux propriétaires de bâtiments usinés en bois [3].

Enfin, des enjeux se posent au niveau socioculturel. C’est particulièrement le cas des préjugés qui persistent quant à la préfabrication, associée à la maison mobile ou à une culture du « cheap », synonyme de pauvreté architecturale [10]. La perception du manque de flexibilité et de limitations conceptuelles refroidit également plusieurs architectes [11]. Enfin, depuis plusieurs décennies, certains professionnels déplorent la résistance au changement du côté syndical et patronal. Les membres de l’industrie « semblent conspirer pour maintenir son statu quo », affirmait en 1969 le secrétaire général du Syndicat des électriciens et techniciens de la construction [12]. Certains considèrent que la réduction de main-d’œuvre et de salaires induite par des procédés plus efficaces diminuerait l’intérêt des syndicats et corporations à adopter de nouvelles solutions [13].

Ce séminaire propose de démystifier l’univers de la préfabrication au Québec, cherchant à identifier quels en sont les possibles leviers et les barrières à surmonter pour débloquer ce projet inachevé. Nous discuterons des enjeux de l’industrialisation en général, mais nous pencherons plus spécifiquement sur ceux liés à la préfabrication en bois.

Bienvenu(e)s à cette discussion éclairée sur les enjeux de la préfabrication de systèmes constructifs en bois au Québec.

Admissible à la formation continue selon les paramètres de l’Ordre des architectes du Québec et de l’Ordre des urbanistes du Québec. Pour l’Ordre des ingénieurs du Québec, nos activités de formation peuvent être admissibles en vertu du Règlement sur la formation continue obligatoire des ingénieurs.

Pour le programme détaillé, consultez-le ici

Page principale du séminaire, consultez-le ici

 

NOTES

1.            Pépin, J.-L. (1969). Lettre à l’éditeur. Industrial Forum, 1(1), 2.

2.            Houle, G. (2023, 13 juin). Modernisation du secteur de la construction : gagner en productivité au bénéfice des Québécois. Association de la Construction du Québec. https://www.acq.org/nouvelles/modernisation-du-secteur-de-la-construction-gagner-en-productivite-au-benefice-des-quebecois/

3.            Mitchell, C. (2021). The State of Prefabrication in Canada: A Market Study of Mass Timber, Panels, and Volumetric Modular Construction. Blackbox Offsite Solutions Ltd. https://static1.squarespace.com/static/5f7cb04329e107165b649ccc/t/6261bf54edcd29756a7241ef/1650573145289/STATE+OF+PREFABRICATION+IN+CANADA+-+April+2022.pdf

4.            Quebec Wood Export Bureau. (2023, 12 septembre). Les avantages de la construction industrialisée #2 – Contrôle de la qualité [vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=XYO6y01qjq0&list=PLPUtJ84X-1juDCCWckMRmI5RNJzWKpZuv&index=2

5.            Garon, J. (2018, 1er août). Jouer la carte de la préfabrication. Voir Vert, le portail du bâtiment durable au Québec.https://www.voirvert.ca/nouvelles/dossiers/jouer-la-carte-la-prefabrication  

6.            Ministère des Ressources naturelles et des Forêts. (2016). Charte du bois. Gouvernement du Québec. https://mffp.gouv.qc.ca/documents/forets/entreprise/charte-bois.pdf

7.            Gouvernement du Québec. (2020). Politique d’intégration du bois dans la construction (publication no ISBN 978-2-550-88263-3). https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/energie-ressources-naturelles/publications-adm/politique/PO_construction_bois.pdf

8.            Gouvernement du Québec. (2020). Plan de mise en œuvre 2021 - 2026 - Politique d’intégration du bois dans la construction (publication no ISBN 978-2-550-90318-5). https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/forets/documents/entreprises/PL_MiseOeuvre_PIBC_MRNF.pdf

9.            Service de l’inspection de l’OAQ. (2024). Des balises pour la préfabrication. Esquisses, 35(1), 27. https://www.oaq.com/devoirs-de-larchitecte/aide-a-la-pratique/balises-prefabrication/

10.         Saulnier, P.-A. (2022, 22 décembre). La préfabrication au service du logement abordable. Radio-Canada. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1943523/prefabrication-service-logement-abordable-shq

11.         Boulet, A., Doyon, N., Carbone, C., Lemieux-Aird, Marianne, Bélanger, C., Iordonava, I., Sokoudjo, V. R. M. S., Bourgault, M., (2020). Noyaux de services, panneaux muraux et kits de construction intégrés, trois manières de voir l’évolution de l’industrie du bâtiment préfabriqué. Quebec Wood Export Bureau. https://www.habitation.gouv.qc.ca/fileadmin/internet/documents/trois-modes-prefabrication.pdf

12.         Industrial Forum. (1972). Politique, Syndicats et Industrialisation : Un Interview avec George Smith. Industrial Forum, 3(4), 29.

 

13.         Erlich, M. (2023, 21 décembre). Why modular Building Hasn’t Revolutionized Construction. Harvard Business Review. https://hbr.org/2023/12/why-modular-building-hasnt-revolutionized-construction/  

Emplacement : Salle 1150 de la Faculté de l'aménagement de l'Université de Montréal