Prévoir n’est pas de mon ressort », explique la jeune femme, qui travaille pour Ouranos depuis 2016, d’abord comme agente de recherche et désormais en tant que coordonnatrice du programme Soutien à INFO-Crue.
« C’est la responsabilité gouvernementale et municipale de faire une vigie de l’état des cours d’eau, de manière à prévenir les crues, et de mettre en place les mesures adéquates de sécurité civile, énonce-t-elle. De notre côté, on collabore avec les instances gouvernementales pour développer et mobiliser les connaissances scientifiques dans le but d’éclairer la prise de décisions, notamment dans un contexte où le climat évolue. »
À titre d’exemple, elle mentionne la collaboration avec le milieu de la recherche pour élaborer de nouveaux outils d’acquisition de données ou pour mieux comprendre les besoins des différents acteurs en matière d’information.
Alexandrine Bisaillon croit que les inondations de 2017 et de 2019 ont marqué l’imaginaire collectif et apporté une certaine conscientisation de la part des gouvernements et de la population. Les changements climatiques sont bel et bien là et ont des répercussions directes sur le Québec.
« On le voit avec le Plan pour une économie verte présenté récemment par le gouvernement, note-t-elle. Les montants sont importants, et une part substantielle est consacrée à l’adaptation et à la résilience. Les inondations ont mis en lumière la vulnérabilité du Québec. »
Saisir les occasions
Cette prise de conscience ne peut que réjouir Mme Bisaillon, qui se passionne pour toutes ces questions depuis son adolescence. Elle raconte qu’à l’âge de 15 ans elle avait un projet personnel à mener au secondaire.
À l’époque, le Sedna IV, avec Jean Lemire et son équipage à bord, quittait Gaspé pour l’Antarctique afin de mesurer les conséquences des changements climatiques sur la calotte glaciaire. « J’ai choisi de consacrer mon projet à cette mission, se souvient-elle. J’ai suivi toute l’expédition dans les journaux. »
Au cégep, son intérêt pour l’environnement se confirme, mais elle se rend compte qu’elle a également un goût pour les questions historiques, sociales ou encore géographiques.
« C’est pour cette raison que je suis allée en urbanisme, explique-t-elle. En aménagement du territoire, il y a toutes sortes de composantes : environnementales, bien sûr, mais aussi sociales, historiques et de design. »
Elle opte pour l’Université de Montréal, où elle décroche son baccalauréat en urbanisme et une maîtrise en environnement et développement durable, avec un profil sur les enjeux sociaux et la gouvernance. De ces années, elle se rappelle surtout toutes les occasions qui se sont offertes à elle.
« La dynamique de travail et d’apprentissage est fructueuse, dans la mesure où on a travaillé beaucoup en atelier et en interdisciplinarité, affirme-t-elle. Le développement de l’esprit collaboratif et critique de même que la rigueur scientifique sont très présents, ce qui est d’une grande utilité dans mes fonctions aujourd’hui. On a vraiment la possibilité de diversifier nos savoirs, et je regrette de ne pas l’avoir fait davantage. Ce que je conseille à ceux qui entrent à la Faculté de l’aménagement : ouvrez vos œillères, ce sera utile pour la suite. »
Parallèle avec la pandémie
Avec son diplôme, son expérience professionnelle et les divers stages qu’elle a pu effectuer parallèlement à ses études, Alexandrine Bisaillon peut se prétendre spécialiste dans les domaines de l’adaptation aux changements climatiques, de la gestion des risques naturels et de la résilience dans un contexte d’aménagement du territoire.
Elle a en effet poursuivi des recherches sur ces thématiques, en collaboration avec l’École d’urbanisme et d’architecture du paysage, l’Observatoire Œuvre Durable et Ouranos. Elle a également travaillé en urbanisme pour le milieu municipal.
« Je suis très fière d’œuvrer dans ce secteur émergent des changements climatiques, qui nécessite de faire évoluer la société, avoue-t-elle. Jouer un rôle dans cette crise environnementale, l’une des crises les plus cruciales que nous aurons à gérer au 21e siècle, je trouve ça plutôt noble, et j’invite les futurs étudiants qui auraient cette cause à cœur à se joindre à nous. On a besoin de renforts! »
Elle n’hésite d’ailleurs pas à faire le parallèle entre la crise des changements climatiques et une autre, que nous subissons tous depuis plus d’un an maintenant, soit la pandémie.
« Que ce soit la vitesse à laquelle la recherche est mise de l’avant dans la prise de décisions, les apprentissages communicationnels ou les aspects psychosociaux, on a beaucoup de leçons à tirer de ce qui se fait actuellement dans la gestion de la pandémie, estime-t-elle. C’est fascinant de voir comment la recherche influence la prise de décisions. Nous qui travaillons sur les changements climatiques avons tout intérêt à analyser comment les scientifiques et les leaders politiques collaborent. Il y a manifestement des parallèles à faire entre ces 2 crises. »
Par Hélène Roulot-Ganzmann