Transports : le développement à la pièce
Il manque à Montréal une vision d’ensemble qui permettrait de repenser l’ensemble des investissements en transport collectif
Les annonces en transport collectif se font nombreuses depuis quelques semaines. Après un investissement possible de la Caisse de dépôt et placement du Québec dans le SLR du pont Champlain et le train de l’Ouest, il est à nouveau question de prolonger le métro vers l’est, cette fois en surface ou peut-être sur pilotis (ce qui est loin d’être la même chose), plutôt qu’en souterrain. Et d’autres projets ne manqueront pas de s’ajouter dans les prochains mois. Pour la planification, on repassera.
Tous les projets, fussent-ils nombreux, ne constituent pas un plan d’ensemble, ni non plus une réponse adéquate aux besoins de mobilité, surtout si ce sont les moins chers qui sont systématiquement choisis. Ces projets qui s’additionnent font penser à celui qui tenterait de construire une voiture, sans plans, simplement en achetant des pièces à gauche et à droite, toujours les moins chères. Il réussirait peut-être à construire une voiture, mais le résultat serait sans aucun doute en deçà de ses attentes.
« Moins cher » n’est pas nécessairement la meilleure réponse. Si Montréal avait pensé ainsi ses investissements en transport collectif dans les années 60, jamais le métro n’aurait été inauguré, et le transport collectif ne serait plus qu’un souvenir.
La planification des transports montréalais est depuis trop longtemps conçue comme un enchaînement de projets qui vont et qui viennent. À ce jeu, certains gagnent, d’autres perdent, du moins pour un certain temps ; car les projets ne semblent jamais mourir tout à fait. La conséquence : les priorités ne cessent de changer, si bien qu’on ne réussit pas à proposer aux usagers une offre capable de répondre à la demande. De nombreux plans de transport ont été adoptés, mais une bonne partie des projets qui figurent dans les plans ne seront jamais construits ; et ce qui a été construit n’était pas toujours dans les plans, même s’il s’agissait des plus grands investissements. Il y a là matière à inquiétude.
La planification est incomplète : les options ne sont jamais toutes étudiées, et l’amélioration de la mobilité de l’ensemble des Montréalais semble plutôt périphérique dans la liste des critères. Ce qui manque cruellement dans la région de Montréal, c’est bien une vision d’ensemble, qui nous permettrait de repenser l’ensemble de nos investissements afin de changer la mobilité de manière durable. Elle doit se faire en toute transparence.
Toutes les idées, même celles qui peuvent de prime abord sembler farfelues, méritent d’être étudiées. Toutes les options doivent être évaluées, et pas seulement les saveurs du jour.
Certaines le seront rapidement, d’autres plus longuement, ce qui est essentiel pour nous permettre de choisir les projets capables de transformer la mobilité en fonction des objectifs que nous nous serons fixés. C’est donc dire qu’il nous faut d’abord déterminer nos objectifs et aussi les évaluer. Comment pouvons-nous être certains de choisir les bons projets si tous les projets ne sont pas étudiés ? Comment choisir les projets autrement qu’en cherchant à réduire les coûts si nous n’avons pas d’objectifs clairs de ce que nous voulons accomplir ?
Le problème est moins la gouvernance (qui fait quoi) que l’approche de planification des transports, qui privilégie une approche par projets, incapable de générer une vision d’ensemble ; et c’est avant tout au ministère des Transports que revient la responsabilité de générer cette vision d’ensemble.
Source : La Presse