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Semer sur les toits


Les abeilles y butinent du Jour de la Terre jusqu'à l'Halloween et les plantes y fleurissent. Ça sent bonet c'est beau ; c'est le principal des deux toits verts de la Faculté de l'aménagement, sur la terrasse supérieure du pavillon de l'avenue de Darlington.

Il est si productif que la responsable, Danielle Dagenais, agronome et professeure à l'École d'architecture de paysage de l'Université de Montréal, et des étudiants doivent aller y arracher des tiges d'érables et de peupliers semés par le vent et les oiseaux. «Il y a ici tout un écosystème où les insectes pollinisateurs voisinent d'autres insectes moins désirables tels les pucerons. Mais ceux-ci ont des prédateurs naturels, comme dans la nature», dit Mme Dagenais en déracinant les indésirables. Imaginez, un érable qui prendrait racine à travers le toit jusque dans la salle de cours...

Plus couteux qu'un toit noir à base d'asphalte et recouvert de cailloux – le plus commun à Montréal –, le toit vert est fait d'une couche de terre dans laquelle on plante des végétaux. Mais ce n'est là que la partie visible de cette «structure végétalisée», car sous le substrat se cachent une barrière antiracine géotextile, un matelas drainant et, dans certains cas, un réseau de tuyaux permettant d'irriguer la plantation. On compte 200 de ces toits dans la métropole et la région environnante. C'est plus qu'il y a 10 ans mais moins qu'à Toronto, première ville en Amérique du Nord à avoir mis dans sa règlementation, en 2009, l'obligation de prévoir un espace pour des espèces végétales. Tout nouveau bâtiment ayant une surface minimale de 2000 m2 doit s'y conformer.

Pourquoi verdir?

L'intérêt de verdir ses toits? Ils réduisent la quantité d'eau pluviale acheminée au réseau d'égouts montréalais, car celui-ci expédie directement dans le fleuve Saint-Laurent les surplus d'eaux usées durant les épisodes de pluie abondante. De plus, le couvert végétal peut diminuer la chaleur qu'emmagasinent les bâtiments et celle qu'ils émettent, un problème grandissant connu sous le nom d'ilots de chaleur. Ceux-ci, révèle un document de la Ville de Montréal, accentuent «la fréquence, la durée et l'intensité des vagues de chaleur accablante qui menacent la santé des très jeunes enfants, des personnes âgées et des personnes atteintes de maladies chroniques».

On rappelle que la pollution atmosphérique est à l'origine de 1540 morts prématurées par année à Montréal.

De plus – deux projets de recherche menés par Danielle Dagenais le confirment –, les toits verts favorisent la biodiversité et améliorent le cadre de vie. Dans la métropole, ce sont surtout les immeubles commerciaux et bâtiments publics qui verdissent leurs toits. Le Planétarium Rio Tinto Alcan, par exemple, dispose de toits et de murs verts. Mais les particuliers sont invités à faire de même grâce à un guide technique lancé en 2013. Mme Dagenais estime que les villes modèles en la matière sont Portland, en Oregon, et Chicago, en Illinois. En réalité, le pavillon de la Faculté de l'aménagement compte un second toit vert, au-dessus du Centre d'exposition, tout aussi verdoyant que le premier. Au départ, on y avait semé du gazon, mais des étudiants et professeurs ont fait pression pour que l'endroit soit plutôt laissé en jachère. S'y est développé un magnifique jardin de fougères, tolérant bien les zones ombragées. On se croirait en plein jurassique. Les deux toits sont devenus de petits écosystèmes où les étudiants herborisent dans le cadre du cours Connaissance des végétaux.

Après un premier hiver éprouvant pour les espèces originales, les semences indigènes ont pris d'assaut les surfaces. «On compte aujourd'hui une quarantaine d'espèces et ça va plutôt bien », indique Danielle Dagenais en montrant les tiges de verge d'or et d'asters. L'une de ses recherches, en collaboration avec Nathalie Roullé, alors doctorante, et Valérie Fournier, de l'Université Laval, a permis de désigner les insect es présents ici : quatre des cinq familles d'abeilles répertoriées en milieu urbain au Québec y ont été observées (halictidés, collétidés, apidés et mégachilidés). Il y avait aussi des abeilles domestiques (celles qui font du miel) et des bourdons. Danielle Dagenais est chercheuse à la Chaire en paysage et environnement et à la Chaire UNESCO en paysage et environnement depuis 2007. C'est elle qui donne le cours Génie végétal et phytorestauration, offert aux étudiants de l'École d'architecture de paysage. Dans ce cours de 45 heures (qui sera rebaptisé Phytotechnologies en janvier 2015), elle présente l'ensemble des technologies environnementales utilisant des plantes vivantes dans le milieu urbain.

Les toits vikings

Une science neuve? Pas si l'on considère que les Vikings avaient des habitations recouvertes de verdure. Plus près de nous, les caveaux à pommes de terre, qui gardaient les légumes de nos grands-parents frais durant toute la saison chaude, étaient également des structures dotées de toits verts.

Il ne faut pas oublier les «murs verts», qui commencent à se multiplier, tant en Europe qu'aux États-Unis, en raison de leur beauté et de leur utilité. Et, depuis peu, on aperçoit des dépressions plantées de végétaux autour de stationnements. Ces endroits végétalisés permettent de retenir et de filtrer les eaux de ruissèlement des grandes aires de bitume, un peu comme les marécages le font dans la forêt. L'eau qui ruissèle est en partie ou en totalité purifiée par l'action des végétaux, du paillis, du sol et des microorganismes.

Mathieu-Robert Sauvé

Cet article est extrait de la revue "Les diplômés" (n°426)

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