Passer au contenu

/ Faculté de l’aménagement

Je donne

Rechercher

 

Mot du doyen

 

Qu’est-ce que la Faculté de l’aménagement ?

La Faculté a repris le processus de planification stratégique qu’elle avait entrepris en 2019 et interrompu à cause de la pandémie.  Dans les discussions qui ont été menées cet automne, une question, toujours d’actualité, a de nouveau été posée : qu’est-ce que la Faculté de l’aménagement ?  Pourquoi est-elle organisée telle qu’elle l’est ?  Pourquoi porte-t-elle le nom qu’elle porte ?

On peut voir notre faculté de différentes manières.  Pour certains, elle n’est qu’une unité administrative qui répond aux besoins organisationnels de l’université et de ses trois écoles qui sont, elles, les véritables unités académiques, la représentation universitaire de disciplines distinctes et autonomes.  Pour d’autres, dont ses fondateurs, la Faculté de l’aménagement est l’expression d’une ambition déjà clairement exprimée dans la création du Bauhaus en 1919, celle de fédérer les disciplines du design de l’environnement et une tentative de répondre à une réalité qui s’affirme nettement dans les années soixante, celle de la spécialisation des savoirs et de l’interdisciplinarité de la pratique.  Voici comment la genèse de notre faculté est décrite dans l’histoire qui en a été présentée dans la revue Trames en 2008, à l’occasion de son 40e anniversaire :

« Cette réalisation provint en bonne part d’une modification des perspectives touchant la pratique des disciplines de l’espace aménagé.  Elle visait une réorganisation de fond quant à la formation des futurs acteurs de ces domaines de recherche et d’action.  La vision initiale de Guy Desbarats, premier doyen et principal promoteur du projet des disciplines de l’espace, repose sur le rassemblement, en un même lieu, de l’enseignement de ces différents domaines de la conception environnementale, afin d’appréhender l’aménagement à travers une pluralité de points de vue.  Ce mouvement convergent rendra possible la création du lieu de transmission de la connaissance tel qu’il se présente aujourd’hui, unique par sa configuration multidisciplinaire regroupant des disciplines qui abordent la conception de l’environnement humain allant du paysage à la ville, du bâti à son espace intérieur et à l’objet. »

De ce passage, on retiendra que nous avons affaire, en effet, à des disciplines distinctes, avec leur histoire, leur culture, leurs associations et ordres professionnels—en 1968, la nouvelle faculté mettait sous un même toit l’École d’architecture et l’Institut d’urbanisme—et, d’autre part, à un domaine d’intervention cohérent, celui de la conception de l’habitat humain, du design de l’environnement construit, de l’aménagement des milieux de vie.  C’est sur le terme d’aménagement que Guy Desbarats jeta son dévolu en 1968 pour nommer la nouvelle faculté.  Terme mal connu et mal aimé, il a néanmoins la double vertu de désigner, par son étymologie, à la fois la construction et la planification, et de se rapporter, par son usage, à différentes échelles spatiales, du mobilier à la région. 

Il existe à ma connaissance très peu de facultés où toutes les disciplines du design de l’environnement sont regroupées, comme elles le sont chez nous.  Dans la plupart des cas, les écoles d’architecture sont alliées soit à des écoles d’art et de design, excluant l’urbanisme, soit à des écoles d’architecture de paysage et d’urbanisme, excluant le design industriel. Or, Guy Desbarats (je cite de nouveau la revue Trames) « avait constaté que la continuité dans la conception de l’environnement humain liait intimement le paysage au bâtiment, à l’espace intérieur, au mobilier et au graphisme », un constat qui l’encouragea à étendre le périmètre disciplinaire de la nouvelle entité du design industriel à l’urbanisme.  En même temps, il eut pour ambition de donner à tous les concepteurs une base commune dans leur formation.  Pendant de nombreuses années, un tronc commun durant la première année d’études donna à toutes et à tous des cours en architecture, en design industriel et en architecture de paysage.  Cependant, la structure disciplinaire de la Faculté fut renforcée en 1978 avec la création des écoles de design industriel et d’architecture de paysage, dont les disciplines étaient enseignées jusqu’alors à l’École d’architecture.  Les domaines du design d’intérieur, de la conservation du patrimoine et de la gestion de projet—qui ont leurs propres départements dans certaines universités—furent intégrés aux activités de la Faculté dans les années 1980 et 1990.  Le design de jeu suivit dans les années 2000.

Au niveau des formations, un portrait un peu simpliste de la Faculté aujourd’hui est celui d’un ensemble de programmes essentiellement disciplinaires au baccalauréat et de programmes disciplinaires et interdisciplinaires aux cycles supérieurs.  Cette situation est différente de celle que l’on retrouve dans certaines autres facultés.  Celle où j’ai fait mes études professionnelles en architecture, l’Université de technologie de Eindhoven, et son pendant à l’Université de technologie de Delft (classée deuxième au monde dans le domaine de l’architecture et de l’urbanisme) enseignent maintenant les disciplines de l’aménagement de la manière suivante : tous les étudiantes et étudiants suivent un baccalauréat commun de trois ans en « architecture, urbanisme et construction », où elles et ils reçoivent une formation pluridisciplinaire, et s’inscrivent ensuite à une maîtrise spécialisée en architecture, technologie du bâtiment, architecture de paysage, gestion de projet, urbanisme, etc.  Ces deux facultés sont connues localement sous le nom facultés de la « Bouwkunde », un mot que l’on peut traduire par « savoir et savoir-faire de l’édification », pour reprendre le terme d’Alberti.

Alors que les facultés de l’aménagement néerlandaises ne sont pas départementalisées, la plupart des facultés dans le monde, dont la nôtre, le sont.  Par exemple, notre plus récente recrue, le professeur Konstantinos Alexakis (dont l’arrivée est annoncée dans cette infolettre), nous vient du College of Design, Construction and Planning de l’Université de Floride.  Cette faculté est composée d’une école d’architecture, d’une école de gestion de projet, d’un département de design d’intérieur et d’une école d’architecture de paysage et d’urbanisme, elle-même constituée d’un département d’architecture de paysage et d’un département d’urbanisme.  (On notera le statut d’école accordé à la gestion de projet et l’absence du design industriel.)  Mon autre alma mater, l’Université de Californie à Berkeley, possède un College of Environmental Design, au sein duquel on retrouve des départements d’architecture, d’architecture de paysage et d’urbanisme et aménagement du territoire, qui visent ensemble « an integrated approach to analyzing, understanding, and designing our built environment ».  Cette faculté, fondée en 1959, a peut-être servi d’inspiration à Guy Desbarats, pour qui le terme « aménagement » était le plus proche de l’expression « environmental design ».  D'ailleurs, la traduction anglaise officielle du nom de notre faculté est Faculty of Environmental Design.  Quant à elle, la John A. Daniels Faculty of Architecture, Landscape and Design à l’Université de Toronto n’est pas départementalisée.  Tout comme d’autres grandes facultés nord-américaines (par ex. Harvard, Columbia), elle offre des programmes professionnels au 2e cycle seulement, ses programmes de 1er cycle étant des formations dites « libérales » ou préprofessionnelles.

Les facultés dans le domaine de l’aménagement, du cadre bâti ou de l’environnement construit et naturel présentent donc une grande diversité d’appellations, de structures institutionnelles et d’approches à la formation professionnelle.  Notre faculté se distingue, par son nom peu usuel, par la grande étendue du spectre des disciplines impliquées et par l’investissement important qu’elle fait dans des formations professionnelles au 1er cycle.  Elle est aussi partiellement sujette à l'influence des associations et ordres professionnels et des organismes d'agrément dont les exigences laissent peu de place à l’interdisciplinarité.  Cependant, les relations étroites que les écoles entretiennent avec leurs associations et ordres, ainsi qu’avec les professionnelles et les professionnels, favorisent un arrimage étroit entre la formation et la pratique professionnelle, ce qui est un atout important pour notre population étudiante.  L’existence d’écoles distinctes permet de décentraliser certaines décisions et offre un fort sentiment d’identité et d’appartenance aux membres des corps enseignant, étudiant et administratif. 

Le défi de la Faculté est, d’une part, d’exploiter les avantages de l’organisation disciplinaire et de soutenir les écoles le mieux possible dans un contexte de concurrence accrue avec d’autres universités et, d’autre part, de tirer le meilleur profit possible de leur coexistence dans un univers où l’interdisciplinarité est de plus en plus réelle et de plus en plus prisée.  Comme le rappelle Colin Davidson, le deuxième doyen de la Faculté (toujours dans la revue Trames de 2008), la création de la Faculté de l’aménagement émane d’une « obsession interdisciplinaire », de la volonté « toujours d'actualité de rejoindre les différentes disciplines aménagistes, puisque c'est de leur rassemblement que résulte une juste appréhension de la complexe élaboration de notre environnement naturel et bâti ».

Notre faculté est un environnement riche et en évolution.  Prise séparément, aucune infolettre ne peut rendre justice à l’abondance des activités et des changements qui se passent à la Faculté de l’aménagement.  Mais chaque infolettre montre tout le dynamisme de nos professeures et professeurs, l’excellence de nos enseignantes et enseignants, la réussite de nos étudiantes et étudiants.  Cette infolettre nous montre aussi le caractère interdisciplinaire de la recherche que nous menons, à l’intersection de nos propres disciplines et à l’intersection de nos disciplines et de domaines qui relèvent des sciences dites « pures » et des sciences humaines et sociales.  Je vous souhaite une bonne découverte de ces nouvelles sources de fierté.

Raphaël Fischler