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Multidisciplinarité, interdisciplinarité et transdisciplinarité en aménagement

Les professeurs Juan Torres (urbanisme 2003 et aménagement 2008), Gonzalo Lizarralde (aménagement 2004) et Virginie LaSalle (design 2002, aménagement 2008 et 2018) partagent leurs réflexions.

 

Juan Torres

Gonzalo Lizarralde

Virginie LaSalle

Juan Torres, Ph. D.
Professeur et vice-doyen à la recherche et aux partenariats, École d’urbanisme et d’architecture de paysage, Faculté de l’aménagement, Université de Montréal

Rapprocher ce qui semble éloigné

Au début de mes études universitaires, une des caractéristiques qui m’a le plus séduit de la formation en architecture a été la combinaison des contenus : théorie et pratique, géométrie, physique, histoire, philosophie, etc.

Après mes premières expériences professionnelles, le choix de l’urbanisme comme domaine de formation aux études supérieures a été motivé par le même intérêt à rassembler des domaines en apparence éloignés : les théories de la planification, les études environnementales, la sociologie, l’économie, l’éthique, le droit, etc.

Cet intérêt n’a fait que se renforcer depuis mon embauche comme professeur, au fur et à mesure des collaborations avec des étudiants, d’autres professeurs et des praticiens, dans le cadre de projets pédagogiques, de recherche ou d’intervention.

Lors de ces collaborations, je porte souvent le chapeau d’urbaniste. On m’identifie ainsi à une discipline, mais nos échanges me permettent rapidement de faire valoir que celle-ci est en fait une combinaison de savoirs de domaines variés.

J’aide mes partenaires à mieux saisir mon profil en expliquant que je m’intéresse au design urbain, mais là encore, je suis obligé de rappeler que celui-ci est un domaine émergent, à la croisée de l’urbanisme, de l’architecture, de l’architecture de paysage et d’autres disciplines encore.

Bien entendu, entre le contenu d’un cours, la structure d’une formation et les collaborations intersectorielles, le dialogue entre les disciplines peut varier : multidisciplinarité, interdisciplinarité, transdisciplinarité.

Au-delà de cette taxonomie, je peux constater l’importance de l’ouverture et de la curiosité pour que ce dialogue entre différentes formes de connaissances ait lieu et pour qu’il puisse devenir lui-même une source à part entière de connaissances.


Gonzalo Lizarralde, Ph. D.
Membre, Collège de nouveaux chercheurs et créateurs en art et en science, Société royale du Canada
Professeur, École d’architecture, Faculté de l’aménagement, Université de Montréal
Titulaire, Chaire Fayolle-Magil Construction en architecture, bâtiment et durabilité
Directeur, Groupe de recherche IF (grif) et Œuvre durable

Nous avons essayé de ne pas être modernes

Dans son ouvrage Nous n’avons jamais été modernes, Bruno Latour constate l’impertinence du principe de modernité visant à séparer les sciences sociales de celles de la nature, le monde scientifique du monde technique, la politique de la technologie, l’humain du non-humain.

Il constate que le monde est rarement ainsi fractionné – étant plutôt constitué d’« hybrides », des phénomènes difficiles à classer dans une seule discipline et qui traversent plusieurs univers tels que la science, la politique, la technologie, l’art et la culture.

À la Faculté de l’aménagement, nous avons aussi parfois rejeté ces fragmentations artificielles. À la Chaire Fayolle-Magil Construction, par exemple, nous avons déploré les limites trop précises de cette modernité dans le secteur du bâtiment, privilégiant le travail sur les « interfaces », ces zones de rencontre entre disciplines (espaces entre silos) qui appartiennent à tous et à personne.

Mais les forces de la modernité ont toujours été fortes : la structure universitaire, les mandats des ordres professionnels et le système bureaucratique repoussent souvent les hybrides, préférant la clarté et la pureté modernes. Dans cette modernité, les hybrides dérangent, et les interfaces sont synonymes d’ambiguïté et d’imprécision.

La qualité (diront certains modernes) exige que les contours des disciplines (architecture et gestion de projets, par exemple) soient clairement délimités, les objets d’analyse, précisément identifiables, et les résultats de chacun, facilement lisibles.

C’est ainsi que nous sommes toujours confrontés à la tension entre le refus de la modernité scientifique et notre complaisance avec la clarté disciplinaire. Nous n’avons jamais été modernes, quoique…


Virginie LaSalle, Ph. D.
Professeure à l’École de design
Responsable du programme de DESS en design d’intérieur
Membre du Laboratoire d’étude de l’architecture potentielle
Membre du Groupe de recherche en aménagement et design

Par-delà les disciplines et les mots, des rencontres entre individus

J’annonce d’emblée que je ne résoudrai pas ici le défi sémantique de l’inter-, multi-, pluri- et transdisciplinarité en aménagement. Une omniprésence des rapprochements disciplinaires ressort néanmoins de l’exercice rétrospectif dans le cadre de mon parcours comme étudiante, puis enseignante et chercheuse en design d’intérieur à la Faculté de l’aménagement.

Ma formation, spécialement au doctorat, est empreinte d’ouverture disciplinaire, car, bien que provenant de domaines distincts de l’aménagement, les étudiants chercheurs de ma cohorte se questionnaient sur des phénomènes qui dépassaient immanquablement les supposées frontières de leurs disciplines respectives.

Je ne saurais dire s’il s’agissait d’une formation interdisciplinaire ou de recherches aux sujets transdisciplinaires, mais je constate que nos regards complémentaires ont été source d’enrichissement et que, dans leurs fondements, les enjeux profonds qui mobilisent nos disciplines sont souvent très proches sinon identiques.

En enseignement, des initiatives menées avec des collègues de la faculté m’amènent à penser que ce que nous partageons nous rapproche davantage que ce qui nous distingue, et que nos particularités disciplinaires comportent une richesse à valoriser.

Ainsi, nous misons sur la diversité de nos domaines de connaissances pour bonifier les contenus de nos programmes, et nous nous employons à mutualiser les stratégies d’enseignement, notamment lors d’ateliers vers lesquels convergent nos formules pédagogiques.

Mes alliances disciplinaires en recherche sont parfois inattendues, mais non moins nécessaires et fécondes. C’est ainsi que le thème vaste et complexe des environnements conçus pour des usagers aux besoins particuliers bénéficie des perspectives croisées de chercheurs des domaines du design d’intérieur et de l’architecture, de la psychiatrie et de la psychologie, de l’ergonomie et de l’ergothérapie, pour n’en nommer que certains.

Somme toute et par-delà les disciplines elles-mêmes, la possibilité d’alliances disciplinaires m’apparaît reposer sur la volonté de certains individus de se rencontrer et de travailler ensemble, au bénéfice de la connaissance et du bien-être de ceux à qui sont destinés les milieux de vie.

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