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Hommage à Raouf Boutros

L’architecte Raouf Boutros décédé le 7 avril dernier était un diplômé de l’École d’architecture où il a également enseigné à titre de professeur invité. À la demande de l’École, une autre de ses diplômés, Marie Lessard, urbaniste et professeure émérite, a aimablement accepté de rédiger le témoignage qui suit. Il rend hommage à cet homme discret qui a significativement contribué à rehausser la qualité de l’architecture résidentielle urbaine à Montréal par la réalisation de projets tels qu’Europa, les Quatre Arbres, Les Cours Valois et Les bassins du Havre.

Raouf Boutros et moi avons fait ensemble notre formation d’architecte de 1967 à 1971. C’était une époque tumultueuse marquée par la fin de l’enseignement Beaux-Arts la création de la Faculté de l’aménagement, le déménagement de l’École, dans l’édifice qu’elle occupe depuis lors et l’occupation de l’École par nous, les étudiants, dans la foulée de mai 68, pour faire de la profession d’architecte un métier moins élitiste … De Raouf, je me souviens surtout des jardins luxuriants sur les toits des bâtiments qu’il projetait. On m’a rappelé depuis qu’il soutenait sa famille restée au Caire ou à Beyrouth. Le travail était déjà son credo et la famille son repère.

Nous nous sommes recroisés dans les années 1990, alors que j’étais membre du CCU d’Outremont, à l’époque de la requalification du secteur industriel de la ville, en bordure de la cour de triage du CN. Raouf a alors été l’un des principaux acteurs de ce renouveau, avec les projets résidentiels Europa, qu’il a inscrits dans les typologies architecturales caractéristiques d’Outremont tout en les situant clairement dans l’époque de leur construction. Il est alors devenu, pour l’urbaniste et professeure que j’étais, une référence incontournable en matière d’architecture urbaine, d’architecture dans la ville.

Nous nous sommes côtoyés de nouveau dans les années 2000, comme membres du comité Jacques-Viger, l’instance consultative de la Ville de Montréal sur l’urbanisme, le design urbain, l’architecture et l’architecture de paysage. Patient et pédagogue, Raouf ralliait tout le monde avec des arguments convaincants tout en supportant le travail des architectes et des autres concepteurs.

Ces dernières années, Raouf m’appelait de temps en temps et nous nous rejoignions dans le quartier pour un café et des conversations sur l’architecture, sur Montréal et aussi sur nos familles et nos amis communs.

Depuis l’époque des projets Europa, je cite avec conviction les réalisations de Raouf Boutros dans mes cours, conférences et écrits sur le design urbain et la requalification patrimoniale. Raouf avait le génie – et l’humilité sûrement – d’adapter ses stratégies architecturales à leur milieu d’insertion, intégrant ses bâtiments et leurs usages dans des contextes homogènes ou travaillant par contraste dans des milieux hétérogènes, déstructurés ou en transition. J’espère qu’il continuera à être un modèle à suivre ! S’il n’a pas parlé fort pendant notre petite révolution d’universitaires-aspirants-architectes idéalistes, il aura assurément concrétisé nos ambitions sociales d’alors en contribuant à améliorer la sensibilité de l’architecture montréalaise aux caractéristiques de ses milieux d’insertion.

Marie Lessard, 21 avril 2024