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Calme Zen et chaos créatif

De quoi a l’air votre espace de travail ?  Si je vous avais posé cette question il y a un an, je l’aurais fait pour savoir comment votre bureau est aménagé.  Est-il épuré, peu rempli et bien rangé en tout temps, représentatif d’un grand contrôle de soi et d’un bon sens de l’organisation ?  Ou est-il rempli de piles de documents, de livres et de photos, l’expression de votre bouillonnement intérieur et de votre curiosité ?  Se situe-t-il quelque part entre les deux pôles du calme Zen et du chaos créatif, avec des étagères bien remplies et quelques objets d’art et souvenirs ici et là ? 

Comme je vous pose cette question en ce temps de pandémie, je m’attends plutôt à ce que vous me répondiez en me parlant du petit meuble que vous avez coincé entre le lit et l’armoire, de la salle à manger que vous occupez entre les repas familiaux, ou de la chambre d’amis que vous avez converti en bureau.  Ou peut-être avez-vous le privilège d’avoir un « vrai » bureau à la maison, une pièce de travail à vous (la room of one’s own de Virginia Woolf).  Quelle que soit votre situation, vous et moi avons dû repenser le lieu et la manière dont nous travaillons. 

L’évolution de nos espaces de travail est un de ces enjeux véritablement transversaux à la Faculté de l’aménagement.  Designers industriels, designers d’intérieur, architectes, architectes paysagistes et urbanistes participent tous à un débat continu mais nouvellement intensifié sur nos environnements de travail, un débat qui touche aussi bien le mobilier de bureau que les marchés de l’immobilier commercial, l’atelier artisanal autant que le campus d’entreprise, l’entrepôt de banlieue et le gratte-ciel du centre-ville. 

J’ai eu le plaisir d’assister récemment à deux présentations organisées par l’Institut du développement urbain du Québec (IDU) sur l’avenir du bureau.  Toutes deux portaient sur les changements profonds que la pandémie a accélérés.  Comme l’achat à distance, le télétravail va augmenter.  Le déplacement de la maison au bureau ne sera plus un geste quotidien automatique.  Tout comme le magasin devra attirer le consommateur en lui offrant une expérience attrayante, le bureau devra attirer le travailleur en lui offrant une plus-value expérientielle.  Cette plus-value se situe dans les échanges interpersonnels et dans le vécu sensoriel, qui sont tous deux bien plus riches en mode présentiel qu’en mode virtuel.  En d’autres termes, tout comme le centre d’achat de demain devra être bien plus qu’un lieu de consommation, le bâtiment à bureaux devra être bien plus qu’un lieu de production.  L’un et l’autre devront offrir des activités sociales et ludiques, de la beauté et de la nature, des atouts qui justifient que l’on dépense temps, énergie et argent pour se déplacer physiquement.  Les nouveaux projets de bureaux présentés lors de la deuxième conférence de l’IDU sont des bâtiments net-zéro en énergie, riches en verdure sur les toits et les façades, offrant des lieux de socialisation, des espaces de travail propices à la bonne santé de l’individu, un accès facile au système de transports en commun—des lieux issus de la créativité conjointe de designers, architectes, architectes paysagistes et urbanistes.

Je n’ai aucun doute que les diplômés de la Faculté de l’aménagement contribueront à la conception de ces nouveaux projets.  J’ai certains doutes, par contre, sur le fait que ces changements positifs seront distribués équitablement, que la qualité de vie et la beauté seront aussi bien prises en compte dans le design des entrepôts, usines, ateliers et abattoirs dans lesquels tant de gens resteront appelés à travailler.  Sans doute l’ergonomie et la sécurité y seront-elles prises en compte pour augmenter la productivité et réduire les pertes dues aux accidents de travail.  Il en va ainsi de tout changement : ce qui est possible n’est pas toujours offert à tous et il faut parfois des politiques publiques pour démocratiser les nouveaux acquis.  C’est dire que la transition écologique que nous appelons de nos vœux doit se faire de manière équitable.  La durabilité doit être sociale aussi bien qu’environnementale et économique. 

La transition écologique, y compris dans sa dimension d’équité, est un enjeu au sujet duquel la Faculté joue un rôle important à l’Université de Montréal.  Le professeur Franck Scherrer, vice-recteur associé au Vice-rectorat à la recherche, à la découverte, à la création et à l'innovation, dirige les Chemins de transition, un projet conjoint de l’Université de Montréal et d’Espace pour la vie (Ville de Montréal) qu’il a mis sur pied et qui vise à stimuler la recherche, l’enseignement, l’action publique et l’implication citoyenne dans la transition vers une société durable.  Des professeurs-chercheurs et des étudiants de nos trois écoles sont impliqués dans cet effort.

La professeure Anne Marchand, quant à elle, vient d’obtenir le Prix du recteur dans la catégorie « Diversité » pour avoir conçu le projet « Place aux Premiers Peuples », qui a abouti, entre autres, à l’adoption récente d’un plan d’action de l’Université pour les années à venir.  Un second plan d’action vient d’être adopté pour promouvoir l’équité, la diversité et l’inclusion au sein de l’Université en général.  

La double crise que nous vivons—crise sanitaire et crise sociale—accélère des tendances déjà en cours et nous pousse à revoir des manières de faire dans le long terme.  Elle nous a forcé à mettre en place des mesures d’urgence, à concevoir de nouveaux objets, à adapter nos systèmes, mais elle nous donne en même temps l’occasion d’effectuer de manière plus rapide et profonde des changements qui étaient lents à venir et restaient limités.  Ce constat vaut aussi dans le domaine de la formation.  Quelle doit être la place de l’enseignement à distance après le retour des étudiants dans nos salles de cours et nos ateliers ?  Quels outils digitaux et méthodes pédagogiques devrions-nous promouvoir pour améliorer l’enseignement en général ?  Comment pouvons-nous mieux aider nos étudiants à surmonter les obstacles que la vie place devant eux dans leur parcours universitaire ?  Notre faculté contribue activement au débat sur ces questions au sein de l’université.

Il en va de même dans nos vies personnelles.  La pandémie nous déstabilise, nous invite à faire un retour critique sur nos choix et nous pousse à changer certaines priorités.  Peut-être le temps des fêtes sera-t-il un moment propice à une telle réflexion.  Ou peut-être ce temps des fêtes, arrivant après des mois de gros efforts et de grand stress, sera-t-il tout simplement un moment de pause pour ne rien faire et ne penser à rien.  (Troisième option : profiter du temps des fêtes pour repenser votre espace de travail !)  Quelles que soient votre situation et votre préférence, j’espère que le congé de fin d’année vous apportera de la détente et du plaisir, vous permettra de prendre toute la mesure de ce que vous avez accompli durant cette crise et vous donnera du courage pour les mois à venir.  Le bout du tunnel est en vue.  Nous cheminerons vers lui ensemble. 

Bravo pour votre réussite en 2020.  Bonne réussite (et bonne santé) aussi en 2021 !

Raphaël Fischler